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Fiche n°9 : L’analyse Coûts Bénéfices du projet d’aéroport

La déclaration d’utilité publique du projet d’aéroport se fonde, entre autres, sur une analyse économique « Coûts Bénéfices » du projet. L’expertise du cabinet européen CE Delft a démontré que cette analyse économique initiale a été orientée et même faussée pour afficher un résultat positif du projet. En fait, le projet d’aéroport à NDL se solde par un déficit important pour la société dans son ensemble, estimé entre 90 et  600 millions d’euros, selon les hypothèses.

Depuis 1982, la loi Loti (loi d’orientation sur les transports intérieurs) prévoit que tout projet important d’infrastructure de transport comporte une analyse socio-économique « Coûts-Bénéfices » (en anglais, SCBA : Social Cost Benefit Analysis), qui estime les coûts et les bénéfices d’un projet du point de vue de l’intérêt public d’ensemble.

L’analyse chiffre  autant que possible toutes les conséquences du projet et montre alors s’il procure ou non une amélioration de la richesse pour la collectivité dans son ensemble. Une étude correcte doit comparer plusieurs projets et envisager des solutions alternatives.

Le volet économique de l’Enquête publique de 2006 (qui a débouché sur le Déclaration d’Utilité Publique de février 2008) comportait dont une analyse Couts-Bénéfices du projet NDL (dossier F de l’enquête).
Cette analyse initiale de 2006 concluait à un intérêt global du projet pour la collectivité, les bénéfices étant supérieurs aux coûts de 600 à 700 millions d’euros.


fich09-schema01En 2011, le Collectif des élus doutant de la pertinence du projet d’aéroport (CéDpa) a demandé au cabinet européen CE Delft[1], spécialiste de ce type d’analyse et du secteur aérien, d’expertiser l’analyse économique initiale. CE Delft a repéré des irrégularités nombreuses, en particulier concernant le bénéfice le plus important du projet, le temps gagné par les passagers pour se rendre à l’aéroport (chiffré à 911 millions d’euros, soit plus de 80 % de l’ensemble des bénéfices du projet).  Les autres bénéfices du projet comptent beaucoup moins : la réduction du bruit (20 millions, 2 % des bénéfices), l’urbanisation (93 millions, moins de 10 % des bénéfices)…

Pour arriver à ce bénéfice de 911 millions d’euros de gain de temps de trajet, l’étude initiale a :

  • Elargi le bassin de chalandise (il y a effectivement plus de monde côté nord mais on a intégré aussi des voyageurs du Mans et même de Paris…)
  • Surestimé les prévisions de trafic sur la période concernée (2012-2042) avec un baril de pétrole à 60 $ en 2025, une croissance du PIB à 2,4 %, en oubliant la mise en œuvre du barreau TGV au sud de Paris, etc.
  • « Bidonné » la valeur d’une heure de temps en 2025 [2]  : la valeur de 98 euros a été retenue alors qu’il faudrait retenir 20 euros ! Cette valeur de 20 euros est l’actualisation de celle donnée pour l’année 2000 par l’instruction cadre du Ministère des Transports de mars 2004 - révisée 2005 (appelée rapport Boiteux).


CE Delft a pointé plusieurs irrégularités :

  • des directives non respectées (pas d’hypothèse de risque, pas de scénario prudent…)
  • omission de certains coûts (ex : coût du train-tram… alors qu’il figure dans les bénéfices, coûts des terres agricoles et des zones humides détruites…)
  • des bénéfices comptés à tort (ex produits de taxes, qui ne doivent pas être inclus dans cette analyse globale)


CE Delft a recalculé les coûts et bénéfices du projet à partir du scénario retenu dans l’analyse initiale (optimiste), il parvient à un résultat inverse : les coûts du projet sont supérieurs aux bénéfices !

Le projet de NDL se solde par un déficit évalué à :

  • 90 millions d’euros (scénario de référence)
  • 600 millions d’euros (scénario prudent)


Le scénario prudent intègre :
-    des dépassements de coûts de construction (40 % comme la moyenne européenne sur ce genre de travaux) ;
-    la récupération partielle (et non totale) des terres libérées par l’aéroport actuel (scénario probable du maintien de la piste actuelle pour Airbus) ;
-    bénéfice nul d’exploitation de la nouvelle plate-forme.

A la demande du CéDpa, CE Delft a également conduit une analyse Coûts-Bénéfices assez rapide sur la solution alternative consistant à conserver et optimiser l’aéroport actuel, Nantes Atlantique. Résultat, le bilan est positif, les avantages sont supérieurs aux coûts.

1er scénario d’optimisation (travaux échelonnés dans le temps) : modernisation de la voie ferrée existante et création d’une station pour que les passagers arrivent en train de la gare de Nantes ; agrandissement du terminal et des parkings ; système radar local et modernisation du taxiway (pour une meilleure fluidité du trafic)
Résultat : un bénéfice global estimé à 100 millions d’euros

2e scénario : le même que le premier en ajoutant en 2023 une piste transversale pour remplacer la piste actuelle.
Résultat : un bénéfice global estimé à 160 millions d’euros (même si les coûts sont plus importants, il y a un gain important en urbanisation).

CE Delft est formel : même si l’analyse sur Nantes Atlantique devrait être approfondie, les écarts de résultats montrent qu’il est clairement plus avantageux, du point de vue de l’intérêt général, de conserver et optimiser Nantes Atlantique.

Le CéDpa a déposé en 2012 un recours au Conseil d’Etat demandant l’abrogation de la Déclaration d’Utilité Publique du projet d’aéroport, cette DUP étant fondée sur une analyse économique faussée. Il est en cours. Depuis la publication en octobre 2011 des résultats de CE Delft, aucun élément de l’étude n’a été démenti. Les seules réponses sont : « L’étude n’est pas indépendante, le CéDpa l’a financée » et « Elle n’a pas coûté assez cher, elle n’est pas sérieuse ». Suite à un article de Presse Océan (8 décembre 2012), le CéDpa a demandé à la DGAC une note qui critiquerait l’expertise CE Delft (ce qui en est sorti dans l’article n’est pas sérieux). Aucune réponse.

Eclairage récent : Bent Flyvbjerg, professeur à l’Université d’Oxford, dénonce les estimations erronées des projets de ce type[3] .

Gains de temps de trajet : comment l’analyse économique initiale est parvenue à 911 millions d’euros ?

CE Delft a cherché comment les auteurs de l’analyse coûts bénéfices initiale étaient arrivés à la somme astronomique de 911 millions d’euros de gains de temps de trajet pour les passagers se rendant à l’aéroport. L’analyse portant sur 30 ans, c’est un cumul des avantages annuels entre 2012 et 2042. Les auteurs de l’analyse initiale n’ayant livré ni leurs hypothèses ni les différentes étapes de leurs calculs, CE Delft a utilisé les seules données publiées, celles des deux dates 2012 et 2025 (pages 96 et 97 du dossier F de l’enquête publique).
Pour l’année 2025, le gain de temps de trajet économisé est de 312 000 heures (et ce nombre d’heures intègre bien évidemment l’évolution de la zone de chalandise et la croissance du trafic). Dans le même tableau, est indiquée la valeur monétaire de ce gain : 30,6 millions d’euros.
Comment est-on passé de 312 000 heures à 30,6 millions d’euros ?
o         Soit par l’application d’un seul coefficient (la valeur d’une heure économisée) qui se retrouve donc par une simple division
 30 600 000 / 312 000 = 98 euros (hypothèse « simplificatrice » prise par CE Delft)
o         Soit par l’application de deux coefficients, selon que les gens se rendent en voiture ou en train à l’aéroport. On a effectivement dans le dossier de départ l’indication de l’hypothèse qu’en 2025, 26 % des passagers prendront le train pour rejoindre l’aéroport. On a donc l’équation suivante : 30 600 000 = 312 000 x [(valeur heure train x 0,26) + (valeur heure voiture x 0,74 )]
Etant donné que ces deux valeurs d’une heure de temps économisée, que ce soit en voyageant en train ou en voiture, sont très proches (17,72 et 17,15 euros en 2025 d’après le courrier de MM Retière et Rimbert dans Le Monde du 22/12), il n’est pas absurde de les assimiler comme l’a fait CE Delft. Par ailleurs, si on applique ces deux valeurs dans l’équation ci-dessus, on n’aboutit pas à 30,6 millions d’euros mais à 5,4 millions d’euros… Il y a donc bien une embrouille.
Même si on intégrait la valeur d’une heure de trajet parcourue en avion (!) pour rejoindre l’aéroport pour une partie des passagers (63,68 euros), la combinaison de ces trois valeurs ne pourrait jamais parvenir à la valeur globale de 30,6 millions d’euros.



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[1]  www.cedelft.eu ; L’étude CE Delft et un quatre pages de résumé sont disponibles sur http://aeroportnddl.fr, rubrique « La com du CéDpa »
[2]  Hervé Kempf a mis en lumière cette manipulation de chiffres dans une tribune dans Le Monde du 3 décembre et de façon plus détaillée sur son site : http://www.reporterre.net//spip.php?article3563 – Démonstration détaillée dans l’encadré page2.
[3]  Article dans 'International Journal of Project Management', nov 2012 et  http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_4120

 

 

 

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